BLENDED FINANCE

Le financement mixte, plus connu sous l’anglicisme Blended Finance, regroupe les mécanismes permettant de combiner l’aide public au développement et les fonds philanthropiques afin d’améliorer les conditions d’engagement de l’investissement privé. Le terme est initialement utilisé en 2002, pour décrire les mécanismes incitatifs des Banques multilatérales de développement et du secteur public pour le financement de projets d’infrastructures. La Blended finance se réinvente aujourd’hui pour répondre besoins croissants d'investissements pour faire face aux enjeux de durabilité du développement.

Adaptation au changement climatique et transition vers une économie bas carbone sont venus s’ajouter aux besoins toujours importants en matière d'inclusion économique et financière. Dans ce contexte, la Blended finance apporte des mécanismes de réduction des risques qui favorisent la confiance dans les investissements stratégiques tels que les énergies renouvelables, la construction et l'agriculture durables, ou encore l'inclusion financière. Ces mécanismes sont encore plus pertinents pour les secteurs critiques aux performances financières structurellement limitées tels que l’entrepreneuriat social, l'eau et l'assainissement, ou encore les infrastructures basées sur la nature.

Dans la cadre du développement d’entrepreneuriat engagé, les mécanismes de réduction des risques propres à la blended finance peuvent abaisser plusieurs barrières :

• En soutenant la recherche et l’innovation, le financement mixte permet aux porteurs de projet d’expérimenter de nouveaux modèles socio-économiques, et de tester le développement de nouvelles techniques et technologies pour renforcer leur impact.
• En subventionnant les organisations de soutien à l’entrepreneuriat, coworking, incubateurs et accélérateurs, les mécanismes de financement mixte entre investisseurs privés et aide public au développement renforcent les ressources matérielles et l’offre de formation disponible pour permettre aux entrepreneurs de développer leurs compétences et leurs réseaux, en particulier accéder aux savoirs nécessaires pour pleinement intégrer les enjeux de durabilité dans les modèles économiques, produits et services.
• En mobilisant les fonds publics pour proposer des garanties applicables aux projets à fort impact, la blended finance améliore l’accès au financement en réduisant le risque pour les investisseurs privés traditionnels, en particulier auprès des banques commerciales et microfinance pour l’accès à des conditions de crédit adaptées aux besoins et capacités des entrepreneurs.
• À travers des partenariats avec des entreprises technologiques, telles que les fournisseurs de portefeuilles électroniques et prestataires de paiement mobile, les plateformes de crowdfunding, et plus récemment les organisations décentralisées fonctionnant sur les technologies blockchains, l’aide publique au développement et les fonds philanthropiques mettent à profit de nouveaux effets de leviers pour augmenter les financements disponibles pour les projets engagés.
• En facilitant la structuration et l’animation de l’écosystème de l’entrepreneuriat à fort impact, créant les conditions pour favoriser les réseaux et l’acculturation croisée, la blended finance participe à la prise de conscience du grand public, au développement de l’investissement à impact, et améliore la visibilité et la crédibilité des solutions émergentes dans leur accès au marché.
• Sans nécessairement investir en amont, les États peuvent mettre à profit des cadres de partenariats Public-Privé pour soutenir des innovations á fort impact en adaptant les conditions d’accès à la commande public, et ainsi fournir des perspectives et une taille de marché qui incitent à l’investissement et permettent d’optimiser l’impact.

Du fait de la pluralité de ses parties prenantes, la diversité dans l’origine et l’usage des fonds, et de l’entendu des montages et partenariats possibles, la blended finance est par nature un espace d’innovation à part entière. Pour faire face aux défis inhérents aux complexités des réglementations financières s’additionnant à celles des bases scientifiques et sociologiques du développement durable, il est opportun de déployer des pratiques inspirées du design thinking et de l’expérimentation itérative pour maîtriser l’incertitude à court terme. Pour s’inscrire dans une temporalité réaliste à un changement systémique, ces approches doivent être conjuguées à un engagement collectif sur des horizons plus longs de ressources adaptées, tant en compétences qu’en capital.

Avec son potentiel de transformation important, la blended finance fait néanmoins face à des freins structurels ou contextuels empêchant certain pays et acteurs d’en tirer pleinement parti. Pour atteindre leurs objectifs, les acteurs qui s’engagent dans le développement de mécanismes de financement mixte doivent concevoir leurs projets en anticipant plusieurs barrières :

• La perception du risque, dans des économies qui valorisent encore principalement la rentabilité financière, joue en défaveur les entrepreneurs à fort impact, notamment dans les marchés émergents. Perçus comme risqués ou peu attractifs, les projets peuvent rencontrer des difficultés de financement, peinant à convaincre les banques et investisseurs privés, même en présence de garanties publiques.
• L’alignement des objectifs entre les différentes parties prenantes est la clé de voute d’un dispositif de financement mixte efficace, mais celui-ci est d’autant plus difficile que les attentes en termes de rentabilité et d’impacts peuvent fortement différées entre investisseurs publics, privés et philanthropiques.
• La complexité de certains mécanismes de financement mixte peut freiner leur adoption et mise en œuvre, en raison d’une coordination étroite entre des acteurs publics, privés, ou philanthropiques souvent régis par des lois et réglementations différentes.
• La difficulté à valoriser les bénéfices extra-financiers des projets financés, soit par manque de méthode, de données ou de contrôle, peut décrédibiliser certains dispositifs et démobiliser les investisseurs.
• Les capacités institutionnelles encore émergentes, tant sur les mécanismes de financement mixte que sur l’entrepreneuriat à impact, sont parfois insuffisantes pour structurer et gérer des dispositifs de blended finance. Cela nécessite un investissement en formation et en accompagnement adapté aux différentes parties prenantes.
• Les disparités réglementaires et juridiques entre les pays peuvent compliquer la mise en œuvre de dispositif de blended finance, particulièrement sur les enjeux de redevabilité, de protection des investisseurs, mais aussi sur des problématiques de protection de la propriété intellectuelle ou de concurrence déloyale.

Pour surmonter ces défis, il est essentiel de renforcer la collaboration entre les différents acteurs, d’améliorer la transparence des financements, de mutualiser la collecte et la fiabilisation scientifique des données sur les bénéfices extra-financiers, de développer les capacités locales du secteurs public et privé, et d’apporter un cadre cohérent et compréhensible sur les objectifs et priorités de chaque contexte sur les volets sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance. Plus encore lorsqu’elle est mise au profit des entreprises sociales et des acteurs de la durabilité, ses promoteurs doivent s’atteler à développer, diffuser et normaliser le langage et les pratiques du pilotage de l’impact, pour soutenir une transformation durable.